Nique la mer
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Je suis un homme de terre et j’aime avoir les pieds dans la glèbe, tout à mon sillon. Je suis parti sur les traces de Segalen aux Marquises pour réaliser un vieux rêve d’adolescent. De l’autre côté du monde, quand midi c’est minuit ou l’inverse, l’océan fait la loi. On le dit pacifique, c’est une plaisanterie.
Pour effectuer le trajet entre Bora-Bora et Makatea puis, plus tard, entre Makatea et Tahiti, il m’a fallu pour la première fois mettre les pieds sur un bateau. Un voilier, que dis-je ? Un catamaran de onze mètres de long. Cinq ou six heures pour le premier trajet ; une vingtaine d’heures pour le second.
J’avais cru, sot que je suis, que sur cet océan dit pacifique j’allais pouvoir lire, prendre des notes et écrire. Las ! J’ai passé la tête dans le seau lors du premier voyage. Une forte houle, des vents importants, des creux de trois mètres, plus de repère quand le bateau avance la nuit, dans la pluie. Dès lors, la ligne d’horizon, c’est le fond du seau…
On a le temps de penser quand on a rendu tripes et boyaux, et qu’après qu’il n’y ait plus rien à donner on offre encore sa bile, bien verte, ou jaune, et puis des substances impossibles à identifier, entre bave et confiture. On se dit alors : « Que diable viens-je faire dans cette galère ? ». Et l’on pense un peu, entre deux gerbes.
J’ai bien compris qu’on puisse aimer piloter un bateau : tracer sa route, rencontrer les éléments, guetter le vent, dominer la mer, chercher les courants, se trouver à la barre dans l’exercice d’un corps à corps avec l’océan. Mais, quand on ne pilote pas ?
En fait, la voile est aux snobs ce que le camping-car est aux modestes. Toilettes de nain, douches de poupée, couche...